Histoire, sciences et charlatanerie

A force, on finit par ne plus savoir qui croire. Entre ceux qui viennent avec des démonstrations (pour ne pas dire preuves) scientifiques faire l’apologie des bienfaits des aphrodisiaques et leur efficacité, les historiens qui, avec des arguments irréfutables nous rappellent que cela existe et se pratique depuis des dizaines de siècles, faisant appel aux plus grands scientifiques médiévaux en exhibant leurs ouvrages toujours en cours et enseignés dans les plus grandes universités ; d’autres scientifiques, plutôt « aphro-sceptiques », voire carrément alarmistes quant aux effets secondaires néfastes de ces produits et enfin les charlatans de tous bords : ceux qui courent les souks dans les pays du Maghreb, bonimenteurs invétérés et infatigables et ceux qui s’abritent derrière des labos aux labels « sérieux » avec des emballages à tenter les plus méfiants…
Mis à part le crédit relatif que l’on peut accorder aux ouvrages anciens en la matière, toute la « littérature » actuelle sur les aliments et autres produits dits aphrodisiaque contribue à semer le doute, notamment par son côté ouvertement consumériste dont le seul but à peine voilé est de faire de l’argent, avec n’importe quoi, pourvu que le produit ait une réputation en matière d’amélioration des performances sexuelles.
Si l’on est sûr de l’étymologie du mot, qui évoque en grec la déesse de l’amour Aphrodite, le doute persiste quant aux effets réels des aphrodisiaques.

Les aphrodisiaques, réels Stimulants sexuels ou placebos ?

Comment déterminer ce qu’il y a de commun entre le chocolat, la pastèque, le ginseng, le gingembre, les huîtres et les asperges ? Et pourtant, ces aliments ont tous pour réputation d’amplifier le désir et les capacités sexuelles. Et la liste des aliments et produits naturels supposés posséder des vertus aphrodisiaques est très longue !
Certains experts parlent ouvertement de « placebo » et soutiennent qu’aucun aliment ni aucune épice n’ont réellement la capacité d’augmenter le désir et le plaisir sexuels. D’autres affirment tout le contraire et font tout pour prouver que le pouvoir des aphrodisiaques est réel.
Si des scientifiques défendent les capacités de certains produits naturels alimentaires ou non, c’est avant tout parce qu’ils s’appuient sur les propriétés naturelles effectives des dits produits. Par exemple, si les effets provoqués par la consommation de pastèques ont été considérés comme identiques à ceux du Viagra , c’est d’abord car ce fruit est particulièrement riche en citruline, un acide aminé non essentiel qui détend et dilate les vaisseaux sanguins. À court terme, cela a pour effet d’augmenter le flux sanguin, or c’est ce que l’on ajoute aux médicaments prescrits contre les troubles de l’érection. De même, les huîtres tirent leur prestige aphrodisiaque de leur richesse en zinc et en tyrosine. Le premier est un minéral important dans la production de testostérone et de sperme, et la seconde stimule la production de dopamine (l’hormone du plaisir !). De son côté, le chocolat contient des substances comme la phényléthylamine, qui peut provoquer une sensation de bien-être général, constatable immédiatement et recherchée et appréciée même par ceux qui ne cherchent pas forcément à augmenter leurs capacités sexuelles.
Le problème est que, même si certains produits peuvent influencer la libido, on a tendance à exagérer en les présentant comme la solution miracle pour résoudre tous les problèmes concernant les défaillances sexuelles.C’est là que l’on glisse du réel vers le mythe, voire l’escroquerie ou même la charlatanerie ! Ce qui ressort des études les plus sérieuses, c’est que même si les vertus sont réelles, il faudrait consommer ces aliments en très grande quantité pour en ressentir les effets. Une consommation trop régulière de ces aliments aurait l’effet inverse : si le corps s’habitue à un apport trop régulier, les bienfaits finissent par se dissiper complètement.
Si vous avez la libido en berne ou des troubles de l’érection, les aphrodisiaques ne pourront rien pour vous. Il vaut mieux dans ce cas dialoguer avec le ou la partenaire, apprendre à mieux gérer la fatigue et le stress, voire de se faire aider par un thérapeute ou un sexologue.
Disons-le clairement : certains produits naturels, comestibles ou non peuvent avoir un effet énergisant et donc forcément favorable à l’activité sexuelle. Mais il y a surtout l’effet psychologique : l’imagination, le rapport à l’Autre, sont les meilleurs facteurs aphrodisiaques. Le reste a juste un effet placebo et jouent sur le psychisme. Ce sont plus les facteurs psychologiques que les principes actifs qui fonctionnent ! La preuve,(même chez les savants médiévaux arabo-musulmans) beaucoup d’aphrodisiaques jouent sur l’analogie avec le pénis en érection ou le sexe féminin : par exemple la corne de rhinocéros, la mandragore, l’asperge ou encore l’huître !

Les phéromones sexuelles… comme un parfum d’arnaque !

On dit des phéromones qu’elles contribuent à l’attirance sexuelle… Mais une étude menée sur deux d’entre elles, utilisées notamment pour des parfums se targuant d’être aphrodisiaques, ne sont en fait d’aucune utilité pour booster la libido…
Cette étude a été publiée mercredi dans la revue Royal Society Open Science
sur deux phéromones : l’androstadienone et l’estratetraenol. Intégrées dans des parfums ou des eaux de Cologne , ces substances sont censées renforcer l’attirance sexuelle. Seulement voilà, en réalité, aucun impact notable n’a été vérifié sur l’effet de séduction.

Pourtant, les deux substances sont commercialisées depuis les années 1990 comme des phéromones humaines supposées stimuler la libido… Sans qu’aucune preuve scientifique ne le confirme !

Produits aphrodisiaques et effets secondaires

Aliments, plantes, huiles essentielles, médicaments (naturels ou non)… L’efficacité de ces produits censés doper le désir sexuel n’a jamais été prouvée, mais les risques pour la santé, eux, sont bien réels. D’autant plus que souvent, on ne sait pas vraiment ce que l’on achète…Que l’on s’approvisionne dans un souk quelque part dans une ville maghrébine réputée pour son tourisme destiné aux occidentaux, dans une boutique traditionnelle ayant même bonne réputation ou dans des pharmacie modernes spécialisées dans les produits dits « para-pharmaceutiques », la liste des effets secondaires, contre-indications et précautions n’est jamais révélées ni même explicitée en détails même sur les produits sous emballage et à l’air « sérieux ».
Huîtres, asperges, truffe, gingembre: si les produits réputés aphrodisiaques sont nombreux, aucune étude scientifique n’a prouvé leurs effets sur le désir sexuel, répétons-le. Au sujet du gingembre par exemple, beaucoup de spécialistes s’accordent pour dire que ce n’est pas un aphrodisiaque à proprement parler. C’est-à-dire qu’il n’augmente pas la libido. Mais c’est une plante énergisante et c’est en cela qu’elle stimule la sexualité.  Autrement dit, elle pourrait aussi bien être conseillée pour d’autres activités comme le sport ou les travaux pénibles…
Les effets secondaires, souvent méconnus ou ignorés par les promoteurs de produits aphrodisiaques peuvent être très graves. En 2012, la DGCCRF ( Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ) a exigé le retrait du complément alimentaire, un stimulant sexuel masculin disponible à l’époque sur Internet. Ce produit contenait du dithio desmethyl carbodenafil (sans qu’il soit indiqué sur l’étiquette), pouvant entraîner des troubles cardiovasculaires. Un an plus tard, le pôle santé du tribunal de Paris enquêtait sur des gélules aphrodisiaques pour hommes d’une certaine marque, vendues librement en France et contenant du tadalafil (substance active du Cialis) sans que celui-ci , encore une fois, soit indiqué sur l’emballage. Voir détails de ‘affaire ici.

Sur le plan purement purement pharmacologique (au sens moderne du terme, c’est-à-dire la production de médicaments chimiques à base de molécules de synthèses), seul le désormais célèbre Viagra (sildénafil) mais aussi le Cialis (tadalafil) et le Levitra (vardénafil) ( médicaments sous prescription médicale en France) ont donné des résultats probants.  Cependant, ces « médicaments » sont contre-indiqués en cas d’infarctus du myocarde récent, d’accident vasculaire cérébral, d’angine de poitrine, de troubles du rythme cardiaque, d’hypertension artérielle non contrôlée ou d’insuffisance cardiaque sévère.

Les aphrodisiaques : trafic à grande échelle

Le trafic de médicaments falsifiés concernant notamment ceux à vocation aphrodisiaque atteint des niveaux alarmants avec la diversification de leur provenance: Singapour , Chine, Inde ( devenue l’un des plus grands pays producteurs de stimulants sexuels), France, Espagne, Maroc et pays limitrophes. Les marchés sont inondés par des stimulants sexuels dangereux pouvant provoquer cancer et stérilité !

Des réseaux de trafic de médicaments falsifiés ont profité du vide législatif dans ce domaine, ainsi que des prix très bas de ces ingrédients aphrodisiaques, pour les commercialiser à travers le monde entier.
Certains de ces produits, d’origine mauritanienne, ont la réputation de grossir les fesses, tandis que des comprimés en provenance du Pakistan et de l’Inde servent à augmenter le volume des seins. Des produits, ainsi que des médicaments génériques en provenance de l’Algérie, du Pakistan, de la Mauritanie, du Yémen et de l’Inde, sont tout aussi dangereux.

Au Maroc

D’après le quotidien Assabah, dans son édition du jeudi 31 octobre 2020, dès leur entrée au Maroc, ces médicaments contrefaits sont stockés dans des entrepôts gigantesques à Al Hoceima, Guelmim et Laâyoune, avant d’être distribués sur tout le territoire marocain. Ce trafic, considéré comme le plus important après celui de la drogue, passe par les postes-frontières d’Algérie et de Mauritanie, ainsi que par ceux des enclaves de Sebta et Melilla (appartenant à l’Espagne).

En France

Au tribunal correctionnel d’Avignon. Il est question de compléments alimentaires stimulants sexuels. « Vous êtes responsable de ce que vous vendez » estime le ministère public. « C’est à l’État de prendre ses responsabilités » contredit la défense. Le prévenu, un négociant en produits para-pharmaceutiques jure sa bonne foi : « À aucun moment je ne savais la présence de ces composants. ». Un exemple parmi tant d’autres sur le laxisme prédominant dans le domaine…
Les services douaniers ont découvert dans ses locaux des milliers de gélules commercialisées à destination de professionnels, pour une valeur à la vente de 167 000 euros. Le grossiste en aphrodisiaques avait obtenu l’accord de la Direction générale de la concurrence, de la (DGCCRF). Il se fournissait notamment en Hollande et en Belgique. Détails ici.

En Tunisie

Les agents du contrôle économique relevant de la direction régionale du commerce à Kébili (Sud Ouest) ont saisi, au marché hebdomadaire de Kébili, des quantités de comprimés aphrodisiaques. Le directeur directeur régional du commerce à Kébili, a déclaré que ces produits qui proviennent de pays voisins, tel que l’Algérie, ont des effets secondaires dangereux sur la santé de l’Homme. Et d’ajouter que les brigades de contrôle économique, en collaboration avec toutes les parties concernées, œuvrent à empêcher l’entrée des produits de contrebande, en sensibilisant les citoyens sur leur dangerosité.