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Les mariages dits mixtes

On parle beaucoup des mariages « mixtes » concernant les ressortissants d’origine maghrébine avec des Français(ses) ou des partenaires d’autres pays. Le terme « mixte », n’est même pas utilisé lorsqu’il s’agit d’unions maritales inter-maghrébines. Tout au plus, dans les conversations, signaleront-on que l’époux ou l’épouse de X est originaire de tel ou tel pays voisin. Il en est de même d’ailleurs lorsqu’ un ou une maghrébine épouse une personne « arabe » du Moyen-Orient.
On parle encore moins de « mixité » dans ce sens lorsqu’il s’agit de mariages entre « arabes » et « berbères ». Ce serait presque indécent. A la limite, c’est même un tabou. L’expression consacrée est « 3arbi wella qbayli, kif-kif, mâ yhemsh » : Arabe ou Berbère, c’est pareil, ça n’a pas d’importance… L’argument choc étant : nous sommes du même pays, nous avons la même religion, nous partageons la même culture et la même histoire… Ce qui, en soi, est vrai.

Mariages mixtes inter-ethniques

Pourtant la réalité est beaucoup plus complexe, et il y a bel et bien un problème de « mixité », car au-delà du discours de façade, dans la réalité mais aussi dans l’inconscient et l’imaginaire collectifs, il s’agit bien de mariages inter-éthniques, appelons les choses par leur nom. Cela est d’autant plus complexe que ceux qui se disent « arabes » ne peuvent nullement prouver que leurs ascendants sont des Arabes « de souche » venus droit d’Arabie du temps des conquêtes ; et ceux qui se disent berbères à 100%, ne peuvent pas non plus prouver que quelque part, dans leur arbre généalogique, il n’y aurait pas quelques Arabes « égarés » voire même peut être des ancêtres romains ou vandales puisque ces deux ethnies ont colonisé à leur façon la région durant des siècles… Nous n’osons pas ajouter le facteur Français vicieux et déloyal, ni penser aux nombreux viols commis pendant la colonisation française et soigneusement -dignement- gardés en secret. Beaucoup plus nombreux qu’on ne le dit et source de souffrances indicibles pour celles, ceux qui ont dû connaître ce genre d’épreuves. Notamment en Algérie.
Mais avant d’aborder dans les détails le sujet que nous vous proposons, à savoir les mariages entre Arabes et Berbères, essayons de débroussailler et de voir ce qui se cache derrière ces deux mots. Pour cela, nous devons faire un passage obligé par l’Histoire, seule à même de nous permettre de poser les problèmes correctement, sans tomber dans les approximations, les préjugés, les affirmations péremptoires et souvent fausses des uns et des autres, sans parler de ceux qui, intentionnellement et pour des raisons idéologiques et/ou politiques inavouables n’hésitent pas à falsifier l’Histoire. En créant des polémiques stériles et même graves, dans le but de diviser et de créer la « fitna » (discorde) entre les pays du Maghreb, voire au sein même de chaque pays.

Le Maghreb, une histoire millénaire

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L’histoire du Maghreb étant millénaire, nous allons nous contenter de commencer par la période dite de domination romaine, puisqu’elle a été suivie par ce qui nous intéresse le plus, à savoir l’arrivée de l’Islam en tant que religion, ses armées dites « Arabes » et sa langue liturgique, obligatoire pour tout musulman, ne serait-ce que pour réciter le Coran et rendre « valides » ses prières.

Romains et berbères : deux mondes qui « cohabitaient » en s’ignorant

Il faut savoir que les romains n’ont jamais occupé la totalité du Maghreb et encore moins les régions sud semi-désertiques (Hauts-Plateaux) ou désertiques avec les immenses oasis où vivaient et vivent encore) des populations berbères dont les fameux Touaregs, appelés « hommes bleus du désert à cause de leur tenue. Les légionnaires romains se contentaient de tracer des” limes” (sortes de frontières naturelles), en se basant sur les reliefs, les rivières, en gros la géographie des lieux conquis, pour asseoir leur pouvoir sur les nouveaux territoires et permettre à leurs troupes d’y circuler et de faire régner l’ordre romain. Ce qu’ils faisaient aussi ailleurs dans les autres régions du monde connu à l’époque où ils avaient établi leur domination.
Au Maghreb , ou Afrique du Nord, selon l’appellation colonialiste française, très schématiquement, ils se sont contenté d’occuper surtout les régions nord du littoral, les plus fertiles. Avec quelques incursions au Sahara. Ils vivaient en autarcie, sans trop se mêler aux autochtones berbères. Ils semblerait même qu’ils ne cherchaient même pas à recruter des soldats parmi les populations locales… De là, on peut imaginer que les mariages entres légionnaires romains ou simples citoyens de Rome ne devaient pas être légions, si l’on ose dire…
Les romains, simples légionnaires, officiers ou citoyens civils de l’empire étaient majoritairement chrétiens. Mais certains étaient aussi « mithtraïstes » (1). Tout comme nombre de berbères, d’ailleurs…

Les berbères avaient-ils une religion ?

De fait, les berbères se sont peu christianisés et vivaient selon leurs propres cultures et croyances de l’époque. En marge de la civilisation romaine à laquelle ils ne se sentaient pas appartenir, que cela soit à l’intérieur ou à l’extérieur des « limes ».
Ils étaient en grande majorité « animistes » (2). Ils comptaient parmi eux de nombreuses tribus judaïsées depuis des lustres.
On ne sait pas avec exactitude comment le judaïsme s’est répandu en terre berbère : les historiens les plus sérieux divergent sur la question. Les uns pensent qu’il est arrivé grâce à la migration de tribus venues d’Egypte (donc par voie terrienne) ; d’autres pensent qu’il est le fait des Phéniciens et que donc il serait arrivé par voie maritime.

Ainsi, nombre de tribus berbères étaient déjà converties au judaïsme, quelques une – plutôt rares – au christianisme mais la majorité des ”Amazighs” ou Berbères étaient animistes. Le mithraisme Perse était plus populaire que le christianisme. Le fameux St Augustin l’était avant de rejoindre la religion de sa mère, le christianisme. En fait, le mithraisme Perse était aussi bien répandu chez certaines tribus berbères que … chez de nombreux soldats romains !
Ainsi était donc l’état des croyances et des appartenances religieuses des berbères avant l’arrivée de l’Islam.

Maghreb Berbère : une nation unie sur le plan ethnique, linguistique et culturel ?

Kabyles, Chaouis, Mozabites, Touaregs, Chelhis (Maroc), berbères djerbis (Tunisie)… D’autres en Lybie et même en Egypte à la frontière avec la Lybie. Sans compter les tribus berbères subsahariennes qui ne font pas partie de l’ensemble maghrébin.
Signalons quelques points importants sans avoir, hélas la possibilité de les développer dans le cadre de ce texte comme ils le devraient :

les Chaouis, en Algérie, habitants de la région des Aurès sont les plus nombreux. Ils constituent la tribu qui a le plus fourni de résistance aux invasions arabo-musulmanes. La célèbre reine Kahina et d’autres héros berbères moins connus était fille des Aurès, alors que beaucoup pensent qu’elle était Kabyle ! Le cas des Chaouis, unique et exemplaire mérite que l’on s’y attarde. Pour plusieurs raisons qui expliquent en partie la situation complexe qui règne en Algérie en ce moment :

    • Islamisation des Aurès

Pour des raisons multiples et complexes, la région des Aurès s’est donc islamisée assez rapidement, mais aussi arabisée sur le plan linguistique, non sans résistances bien sûr comme dans l’ensemble du monde berbère. Aujourd’hui, la majeure partie des populations chaouies dans la tranche des personnes âgées est parfaitement bilingue (la langue Berbère cohabite parfaitement avec l’Arabe dialectal, avec généralement l’usage du berbère en milieu familial et la communication en Arabe à l’extérieur.) Ce qui n’empêche pas l’usage des deux en société, selon les besoins et les interlocuteurs. Quant aux jeunes générations, scolarisées depuis l’indépendance, elles maîtrisent aussi bien la langue vernaculaire et maternelle, le berbère dans sa variante chaouie, mais aussi l’Arabe littéral, son registre dialectal en plus du Français et de plus en plus l’Anglais ! Pour résumer, disons que le problème linguistique Arabe- Berbère ne se pose pas ou alors avec beaucoup moins d’acuité qu’en Kabylie, par exemple.

    • La résistance des Aures aux armées arabo-musulmanes

La région des Aurès, (simple coïncidence ?) a été celle qui a le plus farouchement combattu la progression des armées arabo-musulmanes , mais aussi celle qui a le plus combattu la présence coloniale française. De nombreux évènements qu’ils nous est impossible de citer entièrement ici ont jalonné la période coloniale ayant pour théâtre la régions des Aurès. Citons l’épisode le plus sanglant et le plus douloureux au niveau de la mémoire : les massacres perpétrés par l’armée française à Sétif et Guelma en 1948, lorsque les populations de cette région ont manifesté pour obtenir l’indépendance comme la France s’y était engagée, en échange de la participation des Algériens dans la lutte contre l’occupation allemande.

    • La guerre d’Algérie dans les Aures

La guerre d’indépendance nationale algérienne est partie des Aurès ! Encore une coïncidence ?¨Très rapidement bien sûr elle a gagné les autres régions dont la Kabylie, l’ouest et le sud. Le fait est que, après l’indépendance, c’est l’armée de Libération Nationale (ALN) devenue Armée Nationale Populaire (ANP) qui a réellement pris le pouvoir. Notamment après le coup d’état militaire du colonel Boumediène, lui-même originaire des Aurès, en juin 1965.

    • L’armée Nationale Populaire, ANP et les Aures

Il se trouve que la majorité des officiers supérieurs de cette armée étaient originaires des Aurès… Ce qui explique en grande partie le choix de l’arabisation ou ré-arabisation linguistique de l’Algérie, la mise à l’écart des langues et des cultures berbères, le tout dans la foulée de l’idée panarabiste en vogue à l’époque et l’attrait pour les thèses de Nasser l’Egyptien et des partis Baaths d’Irak et de syrie.

    • Le cas de la Kabylie

Le cas de la Kabylie mérite aussi d’être pris en considération ne serait-ce que parce que cette région, surtout après l’indépendance s’est faîte le champion de la berbérité et de la contestation contre les nouveaux détenteurs du pouvoir
Ce qui explique aussi le peu de révoltes survenues dans les Aurès après l’indépendance et jusqu’à nos jours, et très probablement la frustration de la région de Grande Kabylie qui a elle aussi payé un lourd tribut pour la libération du pays, mais dont les principaux leaders politiques (Aït Ahmed par exemple), ainsi que de nombreux officiers et Moudjahidines ont été écartés du pouvoir ou du moins des principaux centres de décision.

    • Révoltes kabyles après l’indépendance de l’Algérie

Les révoltes en Kabylie, après l’indépendance se sont multipliées, revendiquant à juste titre la reconnaissance de la part berbère de l’Algérie dans tous les domaines : langue, culture et réhabilitation de l’Histoire, falsifiée par les tenant de l’ »arabisme »… dont une majorité de responsables chaouis !!!

    • Le cas des Mozabites, habitants berbères du M’Zab

On ne peut oublier le cas des Mozabites dans la vallée du Mzab (sud algérien avec pour capitale régionale Ghardaïa). Il est très important de savoir que dans un Maghreb à grande majorité Sunnite (orthodoxie musulmane), les Mozabites appartiennent à un « schisme » de l’Islam, le « Kharédjisme ». Pour simplifier à l’extrême, tout comme les Iraniens « chiites », ils pratiquent un Islam différent par différents aspects de celui des populations du nord toutes sunnites de rite malékite. Le Kharédjisme existe aussi chez la minorité berbère de Djerba en Tunisie.

    • Cas des Touareg, berbères et hommes bleus du désert

Enfin, il y a les « hommes bleus du désert » les tribus Touaregs, population nomades (certaines se sont sédentarisées depuis les indépendances et qui en réalité n’ont de pays que le vaste Sahara, navigant avec leur caravanes entre les pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie, Maurétanie, Lybie) mais aussi chez leurs « cousins » des pays de l’Afrique subsaharienne ( Mali, Niger…). De nombreus Touaregs possèdent d’ailleurs plusieurs passeports aujourd’hui, et les utilisent selon les convenances, les besoins et les opportunités. Les Touaregs n’ont que peu de rapports avec les autres berbères du nord , y compris au Maroc avec les populations Chleuhs, bien que partageant la même langue avec ses variantes, le même passé et beaucoup de coutumes communes.

Le point sur l’écriture berbère Tifinagh

  • Dernier point non sans importance, l‘écriture dite « tifinagh ». De notre point de vue il existe bien une écriture tifinagh, les traces dans le Hoggar et ailleurs sont la preuve irréfutable que les berbères se sont doté d’un socle d’écriture ou de transcription des choses qui leur paraissaient importantes. Mais cette écriture est restée embryonnaire, « primitive » au sens purement scriptural comme d’autres écritures en Afrique et au Moyen-Orient. L’écriture arabe elle-même, au moment de la révélation était embryonnaire, incapable de porter un texte aussi complexe que le Coran. L’histoire de l’Ange Gabriel, remettant au Prophète un Coran complet tout droit descendu du ciel n’est qu’un mythe (un de plus). La révélation s’est déroulée sur quelques vingt années et le Coran ne circulait qu’oralement, grâce aux Houffâdh, hommes qui avaient rejoint le Prophète très tôt, doté d’excellentes mémoires et apprenaient les sourates par cœur, au fur et à mesure que le Prophète les leur transmettait. Ce n’est que sous le règne du 3ème calife, Uthman que le Coran a été mis en écriture. Et encore, même à cette époque l’écriture arabe était encore rudimentaire ; il a fallu peu à peu la développer en y ajoutant des points sur et sous certaines lettres, des voyelles dites diacritiques (sous ou sur les lettres) etc…
    Il n’est donc pas insultant de dire que l’écriture tifinâgh est restée à l’état primitif, jusqu’à la période contemporaine où des spécialistes se sont mis à la perfectionner pour la rendre fonctionnelle. La preuve coule de source : pourquoi – si cette écriture était aussi développée comme on veut le faire croire – les grands personnages de l’histoire berbère comme Saint-Augustin, Saint Cyprien, Târiq et tant d’autres n’ont laissé d’écrits qu’en latin ou en langue arabe ? Pourquoi l’immense et inestimable patrimoine culturel berbère ne nous est parvenu que par voie orale, transmis de génération en génération ?

Le point sur la langue Berbère

  • La langue berbère, essentiellement orale donc est bien commune à l’ensemble berbérophone de tout le Maghreb: de la frontière égypto-lybienne jusqu’au Maroc en passant par Djerba en Tunisie, le nord et le sud algérien… Mais à l’image du groupe ethnique, lui-même scindé en plusieurs sous-groupes, la langue parlée ici où là se distingue comme variante avec des différences parfois importantes au niveau du vocabulaire ou même de la syntaxe. Ceci dit, les berbères issus de différentes régions , voire de pays différents se comprennent et communiquent facilement entre eux moyennant quelques efforts et accommodements. Il en est de même d’ailleurs pour l’Arabe dialectal qui comporte des variantes nationales mais aussi au sein d’un même pays.

Conquêtes arabo-musulmanes et résistances berbères

Quand les conquêtes arabo-musulmanes ont commencé,à partir de la péninsule arabique et en direction à la fois du nord de la péninsule vers ce que l’on appelait le Croissant Fertile (actuel Moyen-Orient), mais aussi vers l’est (Iran et Asie mineure), deux empires puissants étaient déjà en place :

l’empire romain

, déjà moribond et scindé en deux. Une partie toujours sous l’égide de Rome et une autre, dite Byzantine, avec pour capitale Constantinople, l’actuelle Istamboul., en Turquie. En 395, à la mort de l’empire romain est donc partagé en deux parties : l’empire romain d’Occident et l’Empire romain d’Orient qui durera jusqu’au xve siècle, malgré l’expansion fulgurante d’une nouvelle puissance impériale, celle de l’Islam, d’abord sous l’égide des premiers califes Compagnons du Prophète, puis la fondation de la dynastie Omeyyade, suivie par celle des Abbassides.

Victoire sur l’empire Perse ou Sassanide (actuel Iran)

avec déjà une civilisation ancienne et très en avance dans tous les domaines par rapport à l’époque. Cet empire, avec sa civilisation brillante, sera totalement intégré à l’empire musulman, avec ses territoires, ses populations et surtout ses apports sur le plan de la culture et des sciences. Il sera aussi presque totalement « arabisé » au niveau de la langue, l’Arabe remplaçant peu à peu le persan dans tous les domaines, comme langue d’administration mais aussi dans le domaine des savoirs.
Les premiers contingents militaires débordant la péninsule étaient réellement Arabes au sens stricte des éléments ethniques et avaient fort affaire contre des éléments adverses, romains et persans beaucoup plus en avance sur le plan militaire (organisation et équipements). Cela ne les a pas empêché d’avancé victorieusement et de « grignoter » assez rapidement des territoires entiers aux « ennemis impies », sans doute parce que aguerris eux-mêmes par les nombreuses batailles qu’ils se livraient entre tribus adverses avant que l’Islam ne les réunissent autour d’une même foi, avec pour mission de porter la parole sacrée incarnée par le Coran partout où la volonté divine les menait, ainsi que les recommandation du Prophète Mohammed.

Armées Arabes ou arabo-musulmanes ?

Signalons dès à présent les thèses principales que nous défendons concernant ces fameuses « armées arabes » conquérantes.

  •  Nul ne peut nier la combativité des premiers contingents Arabes qui ont commencé à étendre les « territoires de l’Islam » dès l’unification de l’Arabie sous l’étendard de la nouvelle religion au-delà de la péninsule arabique comme nous l’avons vu.
  •  Au fur et à mesure de la progression des conquêtes (foutouhât), cette armée, recrutait des éléments fraîchement islamisés, non Arabes au sens strict. Pour la simple raison qu’il est mathématiquement impossible, vu le nombre des populations Arabes de la péninsule à l’époque et donc des forces mobilisables, de déployer des troupes (la cavalerie et les fantassins étaient les éléments militaires principaux à l’époque) suffisamment en nombre pour une telle expansion. Cela est valable pour les premiers territoires conquis au nord de l’Arabie et à l’est en Perse et en Asie mineure, mais aussi pour l’offensive vers le Maghreb et plus tard l’Espagne (Andalousie).

 

Armées arabo-musulmanes: la hiérarchie militaire

Globalement, les armées musulmanes qui prenaient pied dans nouveau territoire conquis étaient composées, en haut de la pyramide hiérarchique :
d’officiers supérieurs, généralement des arabes de souche choisis au début de la période de califes compagnons du Prophète parmi les plus proches et les plus loyaux.
De sous-officiers toujours de souche arabe, généralement islamisés tardivement, mais reconnus pour leurs vertus guerrières en termes de combativité et d’organisation des troupes.
D’autres sous-officiers non-arabes, fraîchement islamisés aussi, mais ayant fait l’effort de s’arabiser correctement au niveau de la langue et ayant et ayant prouvé leur volonté, sinon leur zèle à servir loyalement la cause de la nouvelle religion et ses ambitions d’expansion.

Au bas de la pyramide

Au bas de la hiérarchie, les « troufions » comme on dit aujourd’hui, ou « chaire à canons », personnel recruté sur le tas moyennant probablement quelques subsides et des garanties pour leurs familles avec en contrepartie certainement obligatoire de faire la profession de foi musulmane, ou même enrôlés de force sous peine de représailles. C’est « de bonne guerre » selon l’expression consacrée. Aujourd’hui encore, des armées puissantes ne font-elles pas appel carrément à des mercenaires ? Les américains, en envahissant l’Irak, n’ont-ils pas envoyé aux premières lignes de pauvres hères latinos et africains avec la promesse de leur accorder la nationalité américaine s’ils remplissaient correctement la sale besogne dont ils étaient chargés ?
D’une manière générale, les conquêtes musulmanes ne se sont pas faites de manière pacifique et sans faire couler de sang. Elles ont rencontré de nombreuses résistances souvent farouches comme ce fut le cas face aux berbères (nous y reviendront). Comme toute conquête. Napoléon n’est pas arrivé jusqu’en Russie avec des troupes armées de bouquets de fleurs ! Au Maghreb, et dans le reste de ce qui devint l’empire colonial Français non plus.
Ainsi, et pour conclure sur ce point précis, parler de conquêtes arabes, voire d’invasion arabe au sens purement ethnique est un non sens, mieux : une escroquerie intellectuelle qui a eu pour résultat une falsification grave de l’Histoire avec les conséquence que l’on va voir par la suite.

Le rôle décisif des Oulémas dans l’islamisation du Maghreb

L’hypothèse principale que nous formulons et qui ne semble pas avoir été suffisamment « creusée » par les chercheurs en sciences religieuses et surtout par les historiens est que l’expansion fulgurante de l’Islam n’est pas seulement due au « fait militaire », mais aussi et surtout au travail inlassable et « pédagogique » que les Oulémas (théologiens prosélytes) de l’époque, faisaient sur le terrain pour convaincre les « peuples vaincus d’embrasser la nouvelle religion avec foi et conviction. Simple question de bon sens : on islamise pas des peuples entiers « bessîf » (avec l’épée), autrement dit de force.
Signalons -toujours dans le cadre de cette hypothèse- deux faits d’importance à porter au bénéfice de ces Oulémas des premiers temps :
la création « d‘écoles » d’interprétation et de législation à partir du Coran (madhâhib » (quatre au total) dont celle qui nous intéresse le plus pour le Maghreb : l’école dite « malékite », devenue majoritaire. Ecole souple dans ses interprétations, conciliante et ayant intégré, moyennant quelques accommodements nombre de rites berbères « païens » ; mais aussi et surtout établi des règles ne bousculant pas trop les équilibres tribaux anciens, notamment en matière d’héritage et donc de répartition des terres par exemple.

Tolérance envers les autres religions : le statut de “Dhimmis”

La création (bien entendu, avec l’accord des autorités califales et plus probablement à leur demande) du principe de « dhimmi » : celles et ceux qui veulent conserver leur religion monothéiste (cela concernait exclusivement les juifs et les chrétiens), le pouvaient, sans risques de représailles, ou d’exclusion, à la condition de payer un impôts supplémentaire par rapport à ceux qui embrassaient l’Islam. On peut imaginer à ce propos le nombre de fausses conversions : Il suffisait de répéter la profession de foi trois fois devant témoins et zou ! : finis les impôts pour les non musulmans et l’esclavage quitte à croire et pratiquer ce que l’on veut chez soi . »

Résistances berbères

S’il y a une région du monde conquise par les armées arabo-musulmanes (3), avec beaucoup de difficultés, c’est bien le Maghreb Berbère. Même la conquête de l’Andalousie s’est faîte avec une relative facilité. Avancées et reculs. Défaites nombreuses et de taille à obliger les « décideurs Omeyyades » depuis leur capitale Damas en Syrie à ordonner le recul vers la Lybie, ou même jusqu’en Egypte « islamisée et pacifiée ». Changements de stratégies et de chefs militaires, relance de nouvelles campagnes, avec certes des progrès et des terrains conquis, mais au prix le plus cher…
Nous ne nous attarderons pas sur ce chapitre, non pas que la bravoure, et l’organisation militaire des tribus Berbères nous intéressent moins, bien au contraire, mais parce que le sujet étant d’actualité, de nombreux magazines en version papier ou en ligne ainsi que de nombreuses chaîne TV traitent abondamment de ce sujet, surtout depuis le vaste mouvement de contestation qui a eu lieu l’an dernier en Algérie et appelé Hirâk, mouvement qui a remis définitivement et avec force « la question berbère » au centre de l’actualité et des préoccupations.

Citons juste à titre d’exemple le cas de la fameuse reine Dihiya, plus connue sous le nom de Kahina qui a infligé avec ses armées de nombreuses défaites aux armées arabo-musulmanes, avant de finir par abdiquer…

Islamisation et arabisation du Maghreb et de l’Andalousie

Nous abordons sous ce titre, l’un des problèmes les plus cruciaux concernant l’histoire du Maghreb, certes étudié, décortiqué par les spécialistes, non sans désaccords et controverses, d’ailleurs… Le problème est que ces études et recherches restent en milieux plutôt fermés, entre cercles universitaires et initiés. Nous voudrions les « vulgariser » au sens de les poser en termes simples, sans « jargon » socio-historique incompréhensible par les non initiés. Les débats faisant rage actuellement sur le principe même d’ »arabité », nous estimons que le grand public, intéressé, fortement concerné a non seulement le droit d’être correctement et honnêtement informé, mais aussi qu’il a son mot à dire.
Pour cela, les internautes qui nous suivent sont cordialement invités à donner leurs avis, exprimer, éventuellement leurs désaccords sur tel ou tel aspect du texte, mais aussi enrichir le débat par leur propres apports au cas où des questions importantes n’auraient pas été abordées. « Al-kamâlou lillâh » comme on dit en Arabe : seul Dieu est parfait.
D’abord, ces deux aspects, islamisation et arabisation doivent être soigneusement distingués l’un de l’autre. Les deux processus n’ont pas suivi le même parcours et ne se sont pas déroulé au même rythme et connu la même « fortune ».
Pour ce qui est de l’Islam, il y a consensus et nous avons signalé l’existence d’écoles juridiques », dont le Malékisme qui s’est largement répandu au Maghreb.
Mais pour le mot « arabisation », il y a problème. Nous distinguons :
– l’arabisation au sens linguistique, concernant les berbères qui pour des raisons diverses ont fini par adopter la langue arabe comme principal moyen de communication.
– l’arabisation au sens ethnique soit par la présence réelle d’Arabes de souche (très minoritaires), soit par mariages mixtes entre Arabes de souches et Berbères, comme nous allons le voir plus loin.

Une islamisation rapide et consensuelle, une arabisation lente et conflictuelle

Nous confirmons : l’Islâm s’est répandu comme une traînée de poudre aussi bien vers l’Asie que vers le Maghreb puis l’Espagne et l’Afrique. Et cela surtout, comme nous l’avons signalé, grâce au prosélytisme pragmatique et efficace des Oulémas de l’époque et à la souplesse de l’école Malékite et sa tolérance.

L’Arabistion linguistique du Maghreb

En revanche, l’arabisation au sens de la langue s’est faite beaucoup plus lentement et laborieusement, du fait entre autre des discriminations que commettaient les nouveaux maîtres en termes de nominations aux postes les plus importants. Par exemple pour devenir officier supérieur et diriger des troupes musulmanes, ils privilégiaient des orientaux d’origine arabe ou déjà arabisés. De préférence de milieu “noble” (descendants de familles Omeyyades puis Abbassides). Tout berbère voulant exercer une haute fonction quelconque devait apprendre l’arabe ! D’où des résistances encore de nos jours, notamment en Algérie.

Le rôle des Banou Hilâl au Maghreb : mariages mixtes et arabisation

Les Hilaliens vivaient en Arabie dans la partie du Hedjaz correspondant au Nejd. Gurrriers redoutables, ils combattirent les Fatimides, une dynastie rebelle venue du Maghreb de l’est. Les Fatimides vainquirent les hilaliens qui furent installés dans les déserts de la rive droite du Nil. Puis, devant les échecs pour envahir l’Ifriqya (actuelle Tunisie plus l’est algérien à l’époque), les Banou Hilâl reçurent l’ordre des Fatimides d’envahir l’Ifriqiya. Les Hilaliens ont d’abord migré vers le sud de l’Egypte avant de se diriger vers le Maghreb.
Le célèbre Abou Zayd Al-hilâlî a dirigé des dizaines de milliers de bédouins vers l’Afrique du Nord qui se sont – fait exceptionnel et à noter – assimilés et mariés avec les peuples autochtones. On a estimé à 50 000 le nombre des guerriers, et à 200 000 le nombre des Bédouins qui furent lacés sur l’Ifriqya en 1051-1052

Quand même Ibn Khaldoun critique les Arabes !

L’Ifriqiya (en fait la partie est de l’actuel Grand Maghreb) était livrée à l’anarchie, et les Hammadites (qui gouvernaient une large partie de l’Est de l’Algérie actuelle) avaient tenté un moment de se faire des alliés de ces tribus, sans succès. Les Hilaliens étaient réputés pour leur grande combativité, mais aussi pour leur côté dévastateur, un peu à la manière des armées d’Attila. Ibn Khaldoun a noté que les terres ravagées par ces envahisseurs devenaient complètement désertiques. Il va même jusqu’à écrire à leur sujet : « en raison de leur nature sauvage, les Arabes sont des pillards et des destructeurs », affirmant que la sauvagerie est leur caractère, et leur nature. Curieusement, cette phrase terrible et quelque peu injuste du fondateur de la sociologie semble ignorée par les thuriféraires de l’autonomie de la Kabylie, qui d’ailleurs maintenant réclament carrément le divorce et donc l’indépendance de leur région. Sinon, parions qu’ils en feraient leur slogan favori dans les prochaines manifestations…

Trouvant leur présence continue intolérable, les Almohades (autre dynastie maghrébine qui a entre autre reconquis et dominé l’Andalousie) ont écrasé les Hilaliens lors de la bataille de Sétif en 1153.
Les Banou Hilal sont ensuite passés sous la domination de diverses dynasties berbères subséquentes. Ces tribus hilaliennes se sont profondément mélangées aux populations berbères autochtones, notamment à travers les mariages et ont donc puissamment contribué à l’arabisation du Maghreb au niveau langue.

Un pharaon berbère … en Kabylie

!
Dans le désarroi total qui règne actuellement avec une crise d’identité aigüe, certains “berbéristes”, notamment en Kabylie n’ont-ils pas récemment érigé une statue en plein centre de la ville de Tizi-Ouzou, capitale de la grande Kabylie, statue d’un pharaon égyptien d’origine berbère ? Quelle initiative insensée et quel symbole tendancieux et grave pour l’unité et la cohérence du pays !!!

Conclusion :

Le Maghreb est bel et bien majoritairement berbère sur le plan ethnique.

Les descendants des « Arabes » de souche , sont forcément minoritaires. Ceux qui se disent Arabes sont en fait des descendants de couples mixtes berbéro-arabes en sachant, comme nous l’avons dit que parmi ces dits « arabes »n nombreux sont ceux qui étaient originaire du Moyen-Orient donc eux-mêmes descendants de Phéniciens, Nabatéens, Cananéens etc… fraîchement islamisés et arabisés au niveau langue du fait du texte coranique mais aussi pour gagner les faveurs des chefs-recruteurs. A ceux-là, nous proposons de ce dire plus modestement « arabophones » ou « berbéro-arabes ».
Il faut savoir qu’actuellement encore les mariages mixtes entre arabophones et berbères sont plutôt rares et souvent conflictuels pour diverses raisons, dont notamment l’usage de la langue prioritaire. Heureusement, grâce à la scolarisation massive et obligatoire, les enfants de couples mixtes arabo-berbères sont bilingues, en plus du Français et des autres langues qu’ils peuvent apprendre à l’école.
Les mariages entre berbères eux-mêmes ne sont pas non plus évidents : un Chaoui rencontrera des difficultés pour épouser une Kabyle et vice-versa. Les Touaregs continuent majoritairement à se marier entre eux… Quant aux Mozabites, du fait de leur appartenance au schisme Kharéjite, il est rare sinon impossible de voir un mariage entre un berbère sunnite avec une fille du Mzab.

Notes :

(1) Le mithraïsme, parfois mithriacisme  ou culte de Mithra est un culte à mystères apparu probablement pendant le IIème siècle avant J.C en Perse. Durant les siècles suivants il se propage dans tout l’empire romain et atteint son apogée durant le IIIème siècle. Ce culte est particulièrement bien reçu et implanté chez les soldats romains. À la fin du IVème siècle, l’empereur Théodose entreprend d’éradiquer les religions autres que le christianisme. À la suite d’un décret de 391 les temples non-chrétiens sont détruits ou transformés en églises ; ce décret constitue l’arrêt de mort du mithraïsme.

(2) L’animisme est la croyance en un « esprit », une force vitale, qui anime les êtres vivants, les objets mais aussi les éléments naturels, tels que les minéraux (pierres) ou le vent ainsi qu’en des puissances protectrices.
Ces « esprits » sont des manifestations de défunts ou de divinités animales, pouvant agir sur le monde réel de manière bénéfique ou non. Les animistes leur vouent donc
un culte. L’animisme N’étaient pas une pratique ou une croyance exclusivement berbère et caractérisait des sociétés extrêmement diverses, situées sur tous les continents.

(3) Nous insistons sur cette appellation, faute de mieux pour insister sur le fait signalé dans le texte que les armées ayant permis à l’Islam de s’installer assez rapidement sur de vastes étendues géographiques n’’étaient pas strictement « Arabes » au sens ethnique. L’ajout du mot « musulmane » désigne toutes les catégories ethniques enrôlées de gré ou de force et engagées dans le processus de conquêtes.